Procès Thomas Sankara :L’issue du procès, un tremplin pour la réconciliation des burkinabè ? 

Ceci est une tribune de Benjamin. Dakuyo sur le procès contre l’assassinat du capitaine Thomas Sankara qui a connu un dénouement le 06 avril 2022.Il fait un parallèle avec le processus de la réconciliation qui était en cours.

Lisez plutôt !!!

Benjamin Dakuyo

Le verdict du procès tant attendu est enfin tombé, sommes-nous tentés de dire ! Depuis le 06 Avril dernier, soit 35 ans après l’assassinat du leader charismatique de la révolution burkinabè Thomas Sankara et ses douze compagnons d’infortune, le droit vient enfin d’être dit. Oui, 35 ans après ! Un long moment d’attente, d’incertitude mais aussi d’espoir !

Après un peu plus de 06 mois de procès, les accusés, les témoins mais aussi les victimes vivantes et à la clé leurs avocats, sont rentrés en confrontation pour la manifestation de la vérité sur cette page sombre de l’histoire du Burkina. Au terme du procès, la vérité judicaire est là, implacable. Blaise Compaoré, Gilbert Djendjeré et Hyacinthe Kafando sont reconnus coupables des faits suivants : Assassinat (de Thomas Sankara et ses compagnons), attentat à la sureté de l’Etat. Considérés comme les principaux accusés, ces trois écopent de la prison à vie comme sanction. Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando sont jugés par contumace, contrairement à Gilbert Djendjeré qui, lui, était présent au procès. Les autres accusés ont des peines qui varient de 20, 10, 5 à 3 ans de prison ferme pour certains et avec sursis pour d’autres. Il est à noter également qu’il y a eu des acquittés pour infractions non constituées. Par ailleurs ceux condamnés lors dudit procès disposent d’un délai de 15 jours pour faire appel par rapport à cette décision de justice.

Toutefois, ce procès a-t-il permis la manifestation de la vérité et de la Justice ?

35 ans après ces évènements, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Les principaux acteurs que sont les accusés, les témoins et victimes vivantes ainsi que les parents des victimes ont dit leur vérité. Le peuple, tout entier également, était dans son plein droit de savoir ce qui s’est passé le 15 octobre 1987. C ‘est désormais chose faite. Nous pouvons dire que c’est une victoire après tant d’années d’attente. Cette vérité bien que judicaire soulage, apaise et libère les cœurs des parents des victimes et lavent l’affront des accusés qui viennent d’être acquittés. Qu’en est-il de la justice ?

Du point de vue de la justice, le droit a été dit. « Dura lex, sed lex » dit-on. Il y a eu des accusés et des acquittés. De même, les peines varient en fonction de la responsabilité des mis en cause. Aussi, les conditions minimums ont été garanties pour permettre l’accès à un procès équitable. Le droit des accusés et des victimes d’avoir leurs avocats et témoins, le respect des droits de l’homme, un procès ouvert au public, le refus de la transmission en direct qui garantit par ailleurs la dignité des accusés.

Mais qui sont ceux qui ont œuvré à l’aboutissement de ce procès ?

L’aboutissement de ce procès historique est à mettre à l’actif de plusieurs acteurs : la famille Sankara qui est restée digne durant toute cette période, elle aurait pu vendanger le procès. Le collectif des avocats des victimes, les organisations de la société civile, les partis politiques d’obédience sankariste, la transition politique chapeautée par Michel Kafando qui a relancé le dossier, le pouvoir déchu de Roch Marc Christian Kaboré, des personnalités de tout bord, la justice burkinabé, le peuple burkinabè …Oui, ils sont nombreux à être restés fidèles aux idéaux du capitaine Thomas Sankara et à la défense de son héritage politique durant ces trois décennies et plus. Cette constance a prévalu à l’aboutissement du procès. Maintenant que la justice a tranché, les burkinabè seront-ils réconciliés face à eux- mêmes ?

En s’appuyant sur le triptyque vérité-justice-réconciliation, ne pouvons-nous pas voir en l’issue de ce procès, un tremplin pour la réconciliation des burkinabè ? 

Sans doute que l’assassinat du capitaine Thomas Sankara et ses douze compagnons a divisé les burkinabè. Il était pratiquement difficile que ce crime reste impuni. L’opinion nationale et internationale avait besoin d’être située tôt ou tard. Parvenir aujourd’hui à la manifestation de la vérité sur cette partie de notre histoire commune est salutaire. Cette justice qui vient d’être rendue, va désamorcer les cœurs des parents des victimes et les permettre ainsi de faire leurs deuils ; toute chose qui permettra par ailleurs à ces derniers de redécouvrir la fierté et le sentiment d’être burkinabé et de comprendre qu’en fin de compte ils ne sont pas des laissés pour compte. Ils en avaient besoin pour aussi se sentir burkinabé.

 

Cependant, peut-on vraiment parler de réconciliation sans parler de pardon ?

 

Certes, le pardon ne se décrète pas ! Le pardon est une œuvre du cœur, un sentiment personnel des victimes et parents des victimes à l’égard de leurs bourreaux. Mais ne dit-on pas que le pardon est divin ? S’il y a lieu de pardonner jusqu’où le pardon peut-il aller ? La valeur du pardon ne réside-t-il pas dans la gravite de la faute pardonnée ?

Oui, à un moment donné il faut avoir le courage de se pardonner, c’est-à-dire, tourner la page et aller de l’avant. Le pardon dépend aussi, il faut le signifier, de l’attitude du bourreau face à la victime. Tout compte fait, un repenti sincère peut adoucir le cœur de la victime et lui disposer au pardon. Le Burkina a besoin de toutes ses filles et fils.

Quel rôle peut jouer le politique au-delà de l’institution judiciaire, dans cette quête de la justice et de l’unité nationale ? Peu-ton parler de grâce présidentielle qui favorisera éventuellement le retour des exilés politiques, dans un futur proche ou lointain ?

Seul le président du Faso selon notre législation jouit d’une telle prérogative. C’est lui qui juge de la nécessité et de la pertinence d’accorder oui ou non une grâce présidentielle à des prisonniers et cela en tenant évidemment compte des exigences de la loi en la matière.

En tout état de cause, de nouvelles pages de l’histoire de notre pays viennent de s’écrire avec la tenue de ce procès. Le regard est désormais tourné vers l’avenir du pays. Le souci maintenant est que notre pays, acculé de toute part par les forces du mal, a besoin de se réconcilier et marcher radieusement vers la conquête de la paix et de la stabilité. Tout notre souhait est que ce pays, jadis considéré comme un havre de paix, retrouve son lustre d’antan.

Benjamin DAKUYO

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