Éducation :”Le refus d’octroi d’indemnité spéciale de logement aux éducateurs est une Injustice”

Ceci est une tribune libre d’un conseiller d’éducation, Moumouni Nikiéma dénonce qui ce qu’il qualifie d’injustices faites à son corps professionnel. Monsieur Nikiema parle ici de l’octroi des indemnités spéciales de logement accordées à certains acteurs de l’éducation notamment les enseignant suite à la signature du protocole d’accord.Cependant le corps des éducateurs a été exclu de cet avantage ,le conseiller d’éducation interpelle donc les nouvelles autorités éducatives

 

Photo d’illustration

 Lisez plutôt.

Suite aux négociations entre les syndicats de l’éducation et le gouvernement qui ont abouti, dans la nuit du 28 février au 1er mars 2014, à la signature d’un accord, le gouvernement s’est engagé, entre autres, à octroyer une indemnité spéciale de logement de cinq mille francs au personnel enseignant de l’enseignement post-primaire et secondaire. C’est le début de l’octroi de l’indemnité spéciale de logement à certaines catégories de personnels du Ministère de l’Education Nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales (MENAPLN). Le 27 janvier 2018, suite à la signature d’un autre protocole d’accord, cette indemnité a été augmentée de 7800 francs pour les agents de catégorie C, 11050 francs pour la catégorie B, 14300 francs pour la catégorie A et 17500 francs pour la catégorie PB (confère protocole d’accord entre le gouvernement et la Coordination Nationale des Syndicats de l’Education signé le 27 janvier 2018). Le point 16 de ce protocole d’accord indique que « le gouvernement s’engage à améliorer l’indemnité spéciale de logement pour le personnel enseignant en classe et le personnel d’encadrement sur le terrain ». En plus de l’augmentation du montant, elle est désormais accordée au personnel de l’enseignement primaire. L’application effective a été permise grâce à la signature du décret n°2018-0688/PRES/PM/MINEFID/MFPTPS du 31 juillet 2018 portant fixation des taux de l’indemnité de logement et de l’indemnité spécifique au profit du personnel du MENA et du personnel non enseignant en service dans les structures centrales du MESRSI. Ce décret précise que l’augmentation concerne « le personnel enseignant en classe et le personnel d’encadrement pédagogique sur le terrain ». Les motifs qui ont prévalu à l’octroi de l’indemnité spéciale de logement et à son augmentation sont que cette catégorie de personnel ne possède pas de bureaux dans ses lieux de service et qu’elle effectue certaines de ses tâches chez elle. Le constat amer qui est fait est qu’une catégorie d’agents s’est vue refusée l’indemnité spéciale de logement aux motifs qu’elle possède un bureau et n’effectue pas des travaux en classe et chez elle. Il s’agit nommément des agents de la vie scolaire (jadis appelés surveillants). Ce refus s’apparente beaucoup plus à une injustice faite à l’égard de cette catégorie de personnel. Analysons les motifs et le cadre légal y afférents.

 

La première raison évoquée est que les agents de la vie scolaire possèdent des bureaux et par conséquent n’utilisent pas leurs logements pour effectuer certaines de leurs attributions. Rappelons que le service vie scolaire (jadis appelé surveillance) est généralement un bureau pour tous ou plusieurs agents de la vie scolaire de l’établissement, tout comme la salle des professeurs l’est pour tous les professeurs de l’établissement, sans oublier que dans la plupart des établissements, la salle des professeurs est mieux équipée que le service vie scolaire. En plus, le service vie scolaire est généralement considéré comme le dépotoir de toutes sortes de matériels de l’établissement si bien qu’il est difficile de le considérer comme un bureau au vrai sens du terme. Enfin, il est important de signifier que ces agents ne disposent pas de bureau dans certains établissements au regard des réalités du MENAPLN. Pour revenir à la question d’utilisation des logements personnels pour exécuter leurs attributions, il est important de signaler qu’il n’existe pas de personnel travaillant dans un établissement public d’enseignement post-primaire et secondaire du Burkina Faso qui n’utilise pas son logement pour ces travaux de bureau. Du chef d’établissement à l’agent de saisie ou au volontaire recruté pour certains travaux, chacun est obligé dans certaines situations, d’effectuer certaines tâches chez lui, en utilisant ses outils personnels.

 

Une autre raison est que les agents de la vie scolaire ne sont pas des agents en classe. Cette catégorie d’agents regroupe des conseillers d’éducation, des attachés d’éducation et des assistants d’éducation (emploi en voie d’extinction) créés en 2006 et ayant pour attributions, de façon résumée, la gestion de la discipline, l’encadrement et l’appui psychosocial des élèves et l’appui au niveau administratif et pédagogique. Au regard de leurs tâches de gestion de la discipline et d’encadrement des élèves, ces agents peuvent-ils travailler sans aller en classe ? Comment maintenir la discipline, encadrer et appuyer socialement les élèves si ces agents se cantonnent dans leurs vétustes bureaux ? La réalité sur le terrain est qu’aucun de ces agents soucieux de faire normalement son travail ne peut faire toute une journée de travail sans entrer en classe. Sans oublier les tâches quotidiennes de maintien de la discipline et de résolution des problèmes, plusieurs attributions des agents de la vie scolaire ne peuvent être menées en restant au bureau. On peut citer, entre autres, l’appel et l’installation des élèves en début d’année, la lecture commentée du règlement intérieur dans toutes les classes, les élections des délégués de classes et du bureau du comité des élèves, le remplissage des dossiers d’examen des élèves, le remplissage des fiches statistiques, les entretiens périodiques avec les élèves, l’administration des compositions, l’appui des professeurs dans la surveillance des devoirs dans le cadre règlementaire, la gestion de la bibliothèque scolaire, etc. Cette liste n’est pas exhaustive mais permet de se faire une idée de la fréquence de ces agents dans les classes. Nonobstant cela, ils sont considérés à tort comme des agents n’intervenant pas en classe et se voient refusés les avantages y relatifs.

 

Analysons maintenant le cadre légal qui régit l’amélioration de l’indemnité spéciale de logement et son octroi d’office. Les agents de la vie scolaire sont considérés par le décret n°2008-373/PRES/PM/MESSRS du 02 juillet 2008 portant organisation de l’enseignement secondaire en ses articles 8 et 10 comme « personnel d’encadrement ». Le protocole d’accord entre le gouvernement et la Coordination Nationale des Syndicats de l’Education signé le 27 janvier 2018 indique que le gouvernement s’engage à améliorer l’indemnité spéciale de logement pour « le personnel enseignant en classe et le personnel d’encadrement sur le terrain ». On constate donc que le protocole d’accord tient normalement compte des agents de la vie scolaire travaillant dans les établissements qui sont des personnels d’encadrement sur le terrain. A la surprise des agents concernés, le décret n°2018-0688/PRES/PM/MINEFID/MFPTPS du 31 juillet 2018 portant fixation des taux de l’indemnité de logement et de l’indemnité spécifique au profit du personnel du MENA et du personnel non enseignant en service dans les structures centrales du MESRSI ajoute au terme « personnel d’encadrement sur le terrain » le mot « pédagogique » et stipule donc que l’indemnité spéciale de logement est accordée au personnel enseignant en classe et au personnel d’encadrement pédagogique sur le terrain. Déjà à partir de là on constate que le protocole d’accord n’a pas été respecté par ce décret. Est-ce une volonté manifeste des rédacteurs de priver les agents de la vie scolaire de cette indemnité ? Et même si c’était le cas, l’article 8 du décret n°2008-373/PRES/PM/MESSRS du 02 juillet 2008 portant organisation de l’enseignement secondaire indique que la catégorie d’emploi à laquelle ces agents appartiennent est appelée « personnel d’encadrement pédagogique ». L’intégration du mot pédagogique ne suffit donc pas pour refuser à ces agents cette indemnité.

 

Malgré le manque de pertinence des arguments évoqués et le cadre règlementaire présenté ci-dessus, les agents de la vie scolaire ne bénéficient pas de l’indemnité spéciale de logement aux mêmes motifs précités. Ce qui est encore incompréhensible, c’est que les chefs d’établissements et les censeurs qui sont purement des personnels administratifs nommés mais issus du personnel enseignants seraient bénéficiaires de cette même indemnité. Cela témoigne visiblement que ce refus n’est motivé par aucune considération objective d’attributions mais plutôt par d’autres raisons que nous ignorons peut-être. Est-il lié à une haine vis-à-vis de ces agents par certaines personnes ou au fait que ces agents sont minoritaires et n’ont pas de capacités de bloquer le fonctionnement des établissements ? De toute façon on constate qu’au Burkina actuel, une lutte n’a d’objectivité que si les auteurs ont les moyens de bloquer le fonctionnement des services. C’est vraiment dommage pour un pays qui cherche à se développer à s’appuyant sur les ressources humaines.

 

Ce problème évoqué n’est qu’une des nombreuses difficultés que vivent les agents de la vie scolaire. On peut citer d’autres injustices telles que le refus de leurs nominations en tant que chef d’établissement, bien que leur formation pourrait le leur permettre (on pourrait comparer les modules de formation des conseillers d’éducation et ceux de professeurs pour s’en convaincre), la participation en nombre insuffisant aux examens et concours scolaires, etc.

 

Avec ce refus de leur octroyer l’indemnité spéciale de logement, le constat amer est qu’au MENAPLN des agents de catégorie B perçoivent des indemnités de logement plus élevées que des agents de catégorie A. Les conséquences de ce refus d’octroyer l’indemnité spéciale de logement à ces agents sont énormes. Les frustrations engendrées par celui-ci font que la majorité de ces agents sont clairement démotivés à effectuer un travail en classe ou à leur domicile puisqu’ils se voient refusés des avantages du fait qu’ils n’en font pas d’office. Cela porte un véritable coup sur la gestion de la discipline, l’encadrement des élèves et d’une manière générale au fonctionnement de l’établissement scolaire. Les supérieurs hiérarchiques de ces agents se sentent dans un inconfort quand il s’agit de les interpeler sur les manquements liés au travail en classe car conscients eux-mêmes de l’injustice qu’ils subissent. Le corolaire est l’accentuation de l’indiscipline et le relâchement dans les administrations scolaires. Pourtant avec les insuffisances constatées dans l’éducation familiale, l’école devrait prendre plus au sérieux l’éducation et l’encadrement des élèves et ne pas se limiter à l’instruction. Mais elle ne peut le faire en marginalisant les acteurs commis à ces attributions. L’éducation est bien différente de l’enseignement comme l’a écrit OBIN J.-P[1]. Ces deux notions, selon lui, renvoient à des ordres symboliques différents. Le champ de l’enseignement est ordonné par la raison et la vérité tandis que le champ de l’éducation, lui, est ordonné par la morale et le droit. Les personnels enseignants et d’encadrement doivent donc être complémentaires si l’objectif est d’offrir une éducation de qualité aux enfants burkinabè. Négliger l’éducation pour ne retenir que l’instruction serait une erreur préjudiciable à l’avenir de notre nation. Les autorités en charge de l’éducation et de la fonction publique sont vivement interpelées afin que les agents puissent être traités de façon équitable, seul gage d’un travail en harmonie dans les structures éducatives pour l’atteinte des objectifs du système éducatif burkinabè. Elles sont invitées à analyser elles-mêmes le problème et, au besoin, à faire recours à des personnes neutres afin de se départir des arguments corporatistes sans objectivité car au MENAPLN les intérêts corporatistes, égoïstes et les règlements de comptes sont généralement mis en avant. Ces agents fondent l’espoir qu’un jour les autorités comprendront que la raison du plus fort n’est pas forcément la meilleure et se pencheront véritablement sur ces cas d’injustices qui impactent négativement le fonctionnement du système éducatif burkinabè.

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