Manque de vitalité culturelle à Ziniaré :« Les gens aiment la gratuité », explique Salif Bruno DEME, assistant culturel.

Au Burkina Faso, la plupart des capitales régionales utilisent la culture comme vitrine afin d’attirer le monde entier vers elles. Et la culture est devenue donc le meilleur ambassadeur qui permet de vendre l’image de chaque zone géographique. La ville de Ziniaré, chef-lieu de la région du Plateau-Central comparativement aux autres manques véritablement de vitalité culturelle. Absence de grands évènements connus à l’échelle nationale, la faible mobilisation pendant les évènements locaux, manque de véritables artistes de renom : C’est ce qui caractérise la ville de Ziniaré qui pourtant est historiquement riche en culture. Une équipe de reportage de Yirimédia.com est allé rencontrer les acteurs du domaine de la ville de Ziniaré pour avoir leurs explications de ce problème mais aussi recueillir leurs propositions de solutions.

Selon l’histoire la cité de Naba Oubri, était le foyer de la culture et de l’art dans le pays moagha. Aujourd’hui le visage de la culture est peu reluisant dans cette région. Du théâtre à la musique, en passant par la danse traditionnelle, Ziniaré peine à décoller. Approchés promoteurs de spectacles, autorités en charges de la culture, artistes, experts en art et culture avancent diverses raisons pour expliquer cette léthargie culturelle. Ben Saba est le directeur régional de la culture explique cette situation par le fait que la ville soit proche de Ouagadougou, la capitale du pays. « L’écart c’est 38 km environ, donc les gens préfèrent aller là-bas. », explique-t-il.

Bruno Démé est un artiste-compositeur et assistant culturel dans la province de l’Oubritenga. Il explique les raisons de cette absence de vitalité culturelle dans la région. « A Ziniaré, il y a une réticence quand il s’agit de payer pour une activité culturelle. Quand c’est gratuit, les gens participent mais quand c’est payant les gens sont réticents. Les gens aiment la gratuité. » Cette culture de gratuité est renforcée par la politique qui, de plus en plus, passe par les évènements culturels pour mobiliser l’électorat. Outre cette culture de gratuité, d’autres facteurs sont à la base du retard culturel de la région. 

Bruno Deme, assistant culturel et artiste-chanteur

Une absence d’espaces pour la culture

La cite de Naba Oubri est mal lotie en termes d’espaces culturels notamment les salles de spectacle. « La région n’a pas d’infrastructures adéquates pouvant accueillir un événement culturel d’envergure nationale » c’est l’un des problèmes que l’ensemble des acteurs culturels. À côté de la musique, il y a que certains arts comme le cinéma, le théâtre, la danse manquent de cadres propices pour s’exprimer « A Ziniaré, nous avons un problème d’infrastructures. Les acteurs n’ont pas de cadre où s’exprimer. Les espaces réservés où l’on organisait les manifestations culturelles étaient la place de la gare qui est devenue la place de la nation. A cette situation, les gens étaient obligés de se déporter sur d’autres sites. Et puis ce ne sont pas espaces adaptés », déplore le directeur régional de la culture. Cette situation malencontreuse contribue à baisser le niveau des artistes et acteurs du monde culturel qui n’ont pas un lieu où faire des répétitions. Kognoaga Bamogo est le promoteur de l’évènement ‘’vacances artistiques et culturelles de Ziniaré, plusieurs fois membre de jury pour de nombreuses manifestations artistiques, et aussi formateur dans les arts du spectacle. En tant qu’est un mordu de la chose culturelle, il s’offusque : « Les activités culturelles sont parfois animées dans la salle de ciné mais quand vous y entrez, il y a l’écho. Dans cette salle on ne peut pas allier son et lumière pour donner de la beauté artistique. C’est la même chose au CELPAC où l’on s’expose même en plein air. Si par exemple on fait un encadrement ici pour aller à la SNC à Bobo, arriver dans la salle là-bas, on est complètement désorienté. On se perd parfois dans les coulisses ». C’est malheureux, ajoute-t-il, que les troupes dans les villages après qualification pour la SNC, se retrouvent dans leur localité respective sans rien faire jusqu’au départ. Ce manque d’infrastructures ne peut qu’occasionner une régression culturelle sur le plan performances en ce qui concerne les animateurs du domaine artistique. Le problème d’infrastructures pourrait militer pour la faible mobilisation des populations autour des spectacles. « Un spectateur qui vient pour suivre un évènement et il ne sait pas où aller se soulager déjà, vous voyez que c’est un problème. Les chaises également sont en nombre soit insuffisant, ou en mauvais état. Quand un artiste vient il est obligé de se changer (porter ses habits, NDLR) dans sa voiture », nous confie Kognoaga Bamogo. 

Kognoaga Bamogo, promoteur culturel et formateur.

Les autorités aussi n’accompagnent pas la culture.

Agé de la trentaine, Rasmané Congo assistant culturel de fonction, est un jeune qui a eu le mérite de s’essayer de très nombreux domaines comme la danse, la musique, le théâtre mais aussi la promotion de spectacles.Selon lui, le manque d’infrastructures adaptées vient s’ajouter au manque de volonté des collectivités à accompagner les promoteurs. Rasmané Congo dit Raso décrit sans langue de bois l’attitude des collectivités vis-à-vis des promoteurs culturels. « Ailleurs, il y a un accompagnement des collectivités, mais ici, c’est carrément le contraire. Les collectivités n’accompagnent pas. Nous sommes à notre 8e édition des TALCO (Talents artistiques et culturels de l’Oubritenga), mais il n’y a pas d’accompagnement. J’ai ce souvenir douloureux d’un maire de la commune de Ziniaré qui me disait que si le lauréat n’est pas de la commune, c’est une perte d’y mettre de l’argent. Moi je ne vais jamais oublier ça » s’insurge-t-il. La direction régionale de la culture, structure –tutelle ne dispose pas non plus de ressources financières pour appuyer le secteur. « Notre rôle est purement administratif. La direction régionale de la culture n’a malheureusement pas de budget pour appuyer les activités culturelles privées. Mais au niveau du ministère, il y a des mécanismes de soutien. », soutient Ben Saba DR/ Culture du Plateau central.

Rasmané Ouédraogo, assistant culturel et promoteur de spectacle. Présentation de Talco septième édition à la presse.

Souleymane Ouedraogo, directeur de l’atelier théâtral Naaba Oubri de Ziniaré (ATNOZ) confirme les propos du directeur régional : «  La direction de la culture accompagne mais juste pour la réalisation et la transmission des dossiers au ministère. Il n’y a pas de budget pour nous. C’est déplorable. » 

Souleymane Ouedraogo, directeur de l’association théâtre Naba Oubri

Loin d’être le seul facteur de ce sommeil artistique, les promoteurs parlent également d’un désintéressement des populations vis-à-vis de leurs productions.

C’est même l’acculturation…

Rasmané Congo pense qu’au-delà du manque d’effervescence, il y a un manque et d’amour des gens de la cité du jamais vu à l’endroit de leur propre culture.

. « Dans le Plateau central, le moagha lui-même a un problème d’appréciation culturelle. Il n’accorde pas d’importance à sa culture. On a bafoué notre culture au point qu’on ne peut même pas attirer un partenaire pour qu’il finance l’activité culturelle. », avance-t-il.

Naaba Saneem, chef de Ziniaré, passionné de la culture

Comme Rasmané Congo, Naaba Saanem, le chef de Ziniaré dénonce cette négligence culturelle. « Dans d’autres régions, la culture excelle, mais c’est triste qu’à Ziniaré nous n’avons pas quelque chose à montrer jusqu’à présent. Il y a un abandon culturel dans notre région. » A en croire Naaba Saanem cet abandon est bien une réalité, au Ganzourgou par exemple on trouve des artistes de renom mais qui se sont repliés dans la capitale délaissant leur propre région. Les acteurs locaux sur place sont en manque de compétence pour assurer la vivacité culturelle. « Si une annonce sort et qu’on dit que c’est la danse warba qui va se passer au niveau de la salle, on risque de ne voir personne » se convainc Rasmané Congo.

Copier mais ne pas coller.

En vue de résoudre ce problème et de redonner un espoir à la région, les acteurs étalent un chapelet de solutions. « Il faut créer un cadre de prestation des artistes, un entrainement continu une répétition en continue, travailler à sensibiliser le public pour qu’il s’intéresse à l’art. Les gens vont commencer à consommer l’art lorsque toutes ces propositions sont prises en compte » dixit Kognoaga Bamogo. En plus de la sensibilisation, il faudrait que les acteurs locaux eux-mêmes fédèrent leurs forces pour faire avancer le domaine culturel. Le Plateau Central pourrait aussi s’inspirer de Bobo Dioulasso pour bâtir son envol culturel.

Issa Sidwayan

Jacob Ouedraogo

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