La France a annoncé, jeudi 3 juin au soir, la suspension temporaire de ses opérations militaires conjointes avec les forces maliennes ainsi que les missions de conseil. Une annonce inattendue et forte, même si ce n’est qu’un pan des opérations de la force antiterroriste française Barkhane qui est suspendu, et que cette décision sera réévaluée .
La France exige des « garanties » sur le « cadre de la transition politique ». Paris demande les mêmes éléments que la Cédéao ou l’Union africaine après le dernier coup d’État du colonel Assimi Goïta. D’abord, le respect du délai prévu avant les prochaines élections, présidentielle et législatives, annoncées pour février et mars 2022. Ensuite, l’impossibilité pour les dirigeants de la transition de s’y présenter.
En plus de cela, dimanche dernier, Emmanuel Macron menaçait déjà de retirer les troupes françaises si les nouvelles autorités maliennes cédaient à « la tentation de l’islam radical ». Une allusion au retour de Mahmoud Dicko au premier plan ? L’imam, d’obédience wahhabite, s’est officiellement réconcilié avec le M5 à qui la primature est promise. Ou aux possibles discussions que Bamako ne cache plus vouloir mener avec certains groupes jihadistes ? La décision de Paris peut être comprise comme un coup de pression sur ces sujets.
Un coup pour l’image de la France au Mali
On ne peut pas exclure non plus la portée franco-française de cette annonce. Le président Macron, en précampagne électorale pour 2022, peut chercher à réduire une opération extérieure coûteuse, souvent mal perçue par l’opinion française, et que les concurrents politiques de l’actuel chef de l’État, notamment d’extrême droite, comme Marine Le Pen, n’hésitent pas à attaquer.
Cette décision, la même qu’avaient déjà prise les États-Unis, même si la présence militaire américaine est bien moindre, ne concerne pas les opérations les plus essentielles de Barkhane et sera réévaluée « dans les prochains jours ». Sur le terrain, ses conséquences devraient donc rester limitées, mais sa brutalité risque de ne pas améliorer l’image de la France dans le pays, à un moment où, avec des motivations diverses, de plus en plus de Maliens expriment ouvertement leur souhait de voir leur pays se rapprocher de la Russie.
La coopération franco-malienne est essentielle dans la lutte contre les groupes terroristes, puisque les partenariats militaires opérationnels – les PMO – avaient pour ambition de former l’armée malienne et de l’accompagner au combat. Sur les trois groupements tactiques interarmes, déployés dans la zone des trois frontières, la force Barkhane en consacre un au seul partenariat militaire opérationnel. Un peu plus de 300 soldats français avaient ainsi pour rôle d’accompagner les soldats maliens au combat.
Cette coopération militaire, c’était le deuxième pilier énoncé lors du sommet de Pau, en janvier 2020. Son objectif : renforcer les capacités des forces armées des États de la région, une coopération qui, avec les FAMa, fut très efficace, souligne le directeur des recherches à l’Institut français des relations internationales : « On voit bien qu’il y a eu une reprise en main, il y a eu des succès. On pense à l’opération Bourrasque, l’opération Éclipse, avec de réels résultats. Les camps militaires des FAMa, qui n’ont plus été perdus, comme cela avait pu être le cas avant 2019. Et donc une séquence qui était, sur le plan opérationnel, sur un mieux depuis un an, un an et demi, qui trouvait ses limites avec la trajectoire politique que l’on connaît ».
Mais les militaires français étaient également présents au sein de l’état-major à Bamako, c’est donc toute la structure militaire des FAMa qui, aujourd’hui, avec cette suspension, se retrouve orpheline de son plus fidèle soutien, l’armée française.
Source:RFI