La saison pluvieuse rime avec la dégradation des pistes rurales. Les eaux de pluies, les activités de l’homme sont autant de facteurs impactant le réseau routier. A Donsin, les pistes déjà dans un état de dégradation avancée se détériorent de plus en plus avec la saison des pluies. Cette situation complique la fluidité de la circulation et est parfois source d’accidents. Dans le but de rendre plus pratique les voies d’accès et de réduire les risques, les jeunes se sont mobilisés pour boucher les nids de poule faisant obstacle.
Nous les avons suivis le vendredi 18 août 2023. Reportage.
7h15, le soleil monte à l’horizon sur le barrage de Goué. Une matinée avec une ambiance vive. C’est un jour de marché. Commerçants et vendeurs discutent se précipitent vers le marché. Objectif, acheter ou vendre le plus rapidement possible leurs marchandises. À quelques mètres de là, à la porte du CSPS de Donsin, les rassemblements se font peu à peu. Voitures, motobilistes et piétons se disputent du petit passage qui reste de la voie. « Wai !, ici c’est très dangereux dèh. Si tu fais pas attention un camion t’écrase ici » se lâche un usager. La piste d’une largeur d’au moins sept mètres reste à peine un demi-mètre. Des trous baignants sont bien visibles. « Oh !, c’est vraiment pénible ici. Regardez ces trous là. La voie a complètement disparu » s’étonne un autre usager.
Un cratère à s’attaquer
Sous le regard admirable des usagers, les pelles et les pioches se querellent. « On commence par ici. C’est là même le gros problème. Il constitue un danger pour les malades et les usagers. Il faut le boucher absolument » nous indique Lazare Tiendrebeogo, président des jeunes. Le travail débute avec une sérénité exprimée. Trois tricycles et un camion sont mobilisés. L’ambiance est vive sur place. “On fait comment de ce cratère ? » Une question pour trouver une solution efficace afin que les eaux n’emportent pas de nouveau la voie. Les propositions vont dans les sens. Si certains proposent de mettre tout simplement de la terre pour boucher les trous, d’autres y voient un « un travail mal fait” et proposent de « mettre des cailloux pour remplir la fosse. » La divergence des points de vue n’entrave pas le travail. Un compromis est trouvé. Il faut placer des cailloux pour boucher et mettre de la terre pour protéger. Les tricycles font le tour.
Des usagers solidaires
L’action des jeunes est saluée à sa juste valeur. La réparation se fait d’un côté à l’autre . Les usagers contemplent avec admiration le travail. « Ah ! C’est très bien. Ils sont en train de réparer la voie » marmone un sexagénaire. « Que le bon Dieu vous accompagne » ajoute-t-il plus fort. Les usagers s’impatientent par moment avant d’avoir le passage. Quelques jeunes sont désignés pour les aider à traverser. Le moment est-il mal choisi pour aménager la piste ? « Non » nous répond Lazare Tiendrebeogo. « Comme c’est le jour du marché, on est conscient que notre initiative pourrait ralentir temporairement le trafic. Mais après, ça va mieux s’améliorer » explique Lazare Tiendrebeogo. Sur le côté Est et Ouest de la piste des jeunes sont accostés. Assiette en main, ils demandent l’aide financière des usagers. Piétons et automobilistes mettent des pièces dans l’assiette en guise d’encouragement et d’appui à l’initiative . Souleymane Compaoré, vendeur ambulant vient de donner un appui à hauteur de 100fcfa. « Je n’ai pas encore vendu. Sinon j’allais leur donner plus. Ils utilisent des tricycles et un camion, ils doivent mettre du carburant. Ils doivent également boire l’eau . Il est de mon devoir en tant que usager de les soutenir. Je suis de cœur avec eux. Ce sont des vrais patriotes » apprécie-t-il.
Comme lui, beaucoup d’autres usagers se donnent à cœur joie de soutenir l’initiative . Madame Monique Kaboré est ressortissante de Donsin. Habituelle usagère de la piste, elle dépose son engin pour se joindre au mouvement. Pelle à la main, elle éparpille la terre.
Une “dose” pour se rafraîchir
L’ambiance est à son comble ici. Une barrique de bière locale accompagne le travail. Le solo, puisque c’est de lui qu’il s’agit atterrit dans des calebasses, elles-mêmes se faufilant entre les mains des travailleurs. « Anh ! Cette bière locale est indispensable pour le travail. Ça ravive les nerfs » souligne dans un ton humoristique Germain Kiemtaremboum. « Parfois il faut une dose pour se redonner une force. Le travail est très dur » ajoute Paul Tapsoba. La vendeuse, très enthousiaste fait de ce lieu un petit marché. « Je partais au marché, mais c’est presque fini. Les jeunes payent bien et certains usagers de la voie s’arrêtent pour prendre une gorgée aussi. C’est un petit marché pour moi » affirme -t-elle.
Trois kilomètres pour chercher de la terre
Les tricycles se chargent de convoyer la terre et les cailloux sauvages. C’est au sein de l’aéroport de Donsin, sur les montagnes « déconstruites » que les tricycles s’y rendent. 11h45mn. Nous nous embarquons derrière un tricycle. Direction à l’aéroport de Donsin. C’est un périple de circuler sur la piste qui y mène. C’est un parcours de combattant pour les chauffeurs des tricycles. « C’est notre détermination qui alimente notre courage. Ce n’est de facile, mais on est déterminé » indique Lazare Tiendrebeogo. « Depuis matin on fait des va-et-vient. C’est un travail difficile. Mais on le fait pour sauver des vies » ajoute-t-il. Sur un ciel dégagé, le soleil monte peu à peu au zénith. La chaleur se fait sentir. L’information sur les travaux d’aménagement est donné à certains dans leurs champs.
Des sacs de cent kilogrammes sont mobilisés pour mettre la terre. Les travaux s’effectuent dans une ambiance houleuse. De vives tensions entre deux jeunes. L’incident est vite calmé suite à une intervention du président des jeunes. Le travail reprend ici en brousse. En une heure de temps, les tricycles sont chargés de sacs à moitié pleins. Les convoyeurs de la terre reçoivent les encouragements des paysans dans leurs champs. Certains mêmes apportent leur soutien financier.
13h35 : les derniers réglages
Les travaux s’acheminent vers la fin. La fatigue et la faim se font sentir. Mais face à une jeunesse unie et déterminée, le travail bien fait est l’objectif visé. La musique raisonne sur place. Les usagers peuvent circuler librement et en toute sécurité. Les félicitations viennent de partout. Sur les réseaux sociaux, les images des travaux font le tour. Ayant aperçu les images sur les réseaux sociaux, des internautes passent des coups de file pour encourager l’initiative . « Je reçois depuis des appels téléphoniques des gens qui sont loin pour nous encourager. C’est très bien. Cela montre que notre initiative n’est pas mauvaise. Elle est plutôt bien appréciée » se réjouit Lazare Tiendrebeogo.
« Aujourd’hui c’est une grande fierté pour nous tous. Les jeunes ont fait un travail qui me va droit au cœur. Je suis venu personnellement participé aux travaux et je les encourager à continuer dans cette lancée » martèle Marius Kompaoré, président du Conseil villageois de développement (CVD) de Donsin. « Le pays nous appartient tous et on doit faire de notre mieux pour le développer. Je profite dire un grand merci aux jeunes de Donsin et à vous Yirimedia pour avoir jeter un coup d’œil sur l’état des routes ici » ajoute-t-il. « Nous n’avons de reçu d’aide extérieur pour faire le travail. C’est entre nous les jeunes. Ils se sont donné et voici le résultat » renchérit Lazare Tiendrebeogo.
En rappel, dans un reportage intitulé « Trafic routier dans le Plateau central : Donsin-Ziniaré impraticable », Yirimedia avait jeté un regard critique sur l’état de la voie reliant le village de Donsin à la ville de Ziniaré. Quelques mois après ce reportage, des initiatives sont entreprises pour aménager certaines voies d’accès . L’initiative des jeunes de Donsin vient en étroite ligne de réduire les risques que pourraient causer l’usage de voies devenues très défectueuses en cette saison des pluies. Même si ces initiatives ne pourront mettre définitivement fin aux problèmes du réseau routier, elles à encourager et les autorités doivent apporter leur touche afin de juguler le problème et d’encourager les initiatives locales de développement.
Issa Sidwayan TIENDREBEOGO
tiendreb.sidwayan@gmail.com