LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DU FASO: Excellence Monsieur le Président Sanaba est tombé.

LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DU FASO, LE CAPITAINE IBRAHIM TRAORÉ !

Objet : Plaidoyer pour un alliage reconquête du territoire et consolidation des acquis pour une gestion efficiente de la crise sécuritaire.

                                        DAKUYO Benjamin Professeur certifié de philosophie

EXCELLENCE MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU FASO,

Avant tout propos, je tiens à vous féliciter pour votre leadership et la volonté clairement affichée de tout mettre en œuvre pour sortir notre pays de cette crise sécuritaire sans précèdent que nous vivons depuis un certain temps. Vos efforts et actions entrepris sur le terrain en témoignent.

Excellence Monsieur le Président du Faso, je m’adresse à vous, par le biais de ce canal, en votre qualité de Président du Faso mais aussi en votre qualité de chef de guerre. On m’objecterait volontiers d’écrire sur les questions militaires et de stratégie. Suis-je militaire ? Je répondrai en m’inspirant de Jean-Jacques Rousseau qui, dans les premières lignes de son ouvrage Du contrat social, estimant qu’on lui demanderait s’il était prince ou législateur pour écrire sur la Politique, dit ceci «  Je réponds que non, et que c’est pour cela que j’écris sur la Politique. Si j’étais prince ou législateur, je ne perdrais pas mon temps à dire ce qu’il faut faire ; je le ferais, ou je me tairais ». De même, moi qui ne suis pas militaire ou stratège, je me permets de me prononcer sur les questions militaires et de stratégie. Autrement, si je l’étais, j’aurais fait ce qu’il faut faire ou je me tairais.

Sans être alors un fin stratège des questions militaires et sécuritaires, puisque je ne suis qu’un enseignant de formation, je tiens tout de même, en ma qualité de citoyen, à avoir droit à la parole.

 J’use donc de ce droit dans l’espace public pour me prononcer par rapport à ce qui se passe dans la province des Banwa dont le chef-lieu est Solenzo, mais aussi à ce qui se passe dans la Kossi. Si ces derniers temps, comme bien de nos compatriotes sincères, je n’avais pas hésité à présenter la reprise de Solenzo comme symbole de l’espoir et signal de la capacité de notre armée à rebeloter et prendre notre revanche sur l’ennemi, force est de constater, qu’un mois après, c’est la désolation totale dans la commune de Sanaba qui relève par ailleurs de la province des Banwa.  Oui, Sanaba est tombé. Comment en est-on arrivé à ne pas pouvoir consolider cet acquis hautement symbolique ? J’ai encore en mémoire vos propos lors de votre adresse à la nation depuis Solenzo « La reconquête est bien, certes, mais la consolidation est celle qui va commencer maintenant ».

Excellence Monsieur le Président du Faso, j’attire alors votre attention sur deux faits majeurs qui, à mon sens, constituent des erreurs graves à éviter dorénavant dans cette noble mission de reconquête du territoire national.

 Premièrement, Solenzo a été reconquis, et par ricochet Sanaba. L’armée y a séjourné quelques jours voire des semaines et elle est repartie sans que les services déconcentrés de sécurité précisément, ne reprennent service car ils avaient plié bagages depuis fort longtemps suite aux premières attaques. De même, les VDP qui font partie de la nouvelle donne de reconquête du territoire, n’ont pas pris service, à ma connaissance, dans les Banwa et singulièrement à Sanaba avant que l’armée n’abandonne les populations qui y vivent à leur triste sort. Ce fut une grave erreur.   

Nous sommes tous conscients que, manifestement, les effectifs de l’armée ne permettent pas ce maillage du territoire jusque dans tous les hameaux de culture. C’est d’ailleurs la raison de la création du corps des VDP pour servir de supplétifs à l’armée. Non seulement ces derniers doivent être les plus outillés en matière de renseignements mais aussi en équipements opérationnels pour les combats. Si ce corps de supplétifs avait été opérationnalisé à Sanaba après le départ de l’armée, ils auraient pu tenir face à l’ennemi en attendant un éventuel renfort plus fourni. Mais rien n’y fit. Et voici que l’irréparable s’est produit. Des populations sans défense ont été contraintes de quitter leurs terres non sans après avoir compté leurs morts. Au-delà du chef-lieu de commune Sanaba, beaucoup de bourgades des alentours sont désormais vides.

Deuxièmement, je fais un rappel historique pour dire que, malgré le changement des gouvernants intervenu à la tête de l’État, les mêmes erreurs se succèdent. Sous le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo DAMIBA, lorsque la ville de Bourasso dans la Kossi était victime d’incursions ennemies, l’armée a mené une opération de grande envergure dans cette zone. Elle y est même restée deux jours durant pour des œuvres sociales. Oui, les habitants de Bourasso ont bénéficié des consultations gratuites et d’une distribution de médicaments de la part des forces engagées sur le terrain à l’époque. Cela a été salué à sa juste valeur en son temps. Mais par la suite, nous savons tous ce qui est arrivé à Bourasso. Aujourd’hui, cette ville carrefour entre Dédougou et Nouna, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Plus aucune âme humaine n’y vit. Aussi, les villages situés sur le côté Est de Bourasso ont été sommés de quitter ces jours-ci.

Le déguerpissement de ces deux villes que sont Sanaba et Bourasso, toutes chef-lieu de communes rurales, donne plus de marge de manœuvre à l’ennemi et fragilise ainsi tout effort de reconquête des deux grandes provinces dont elles relèvent, c’est à dire les Banwa et la Kossi. C’est désormais un boulevard qui est ouvert à ces hommes sans foi ni loi. Je pense humblement que cela aurait pu être évité.

Excellence Monsieur le Président, je ne saurais terminer mon adresse, sans faire des recommandations.

 Je pense modestement, que pour éviter à l’avenir que ce qui est arrivé dans les Banwa et dans la Kossi, plus précisément à Sanaba et Bourasso, n’arrive nulle part ailleurs, vous devriez mettre en place au-delà de la tactique, une vraie stratégie. Il ne sert à rien de reconquérir un territoire et l’abandonner quelques temps après quand on connaît les moyens matériels et humains que cela mobilise. Les villes ainsi reconquises tomberont d’elles-mêmes tels des châteaux de cartes si toutefois une vraie stratégie de consolidation des acquis n’est pas mise en place.

Excellence Monsieur le Président, je le dis et vous le savez mieux que moi, que les victoires de nos forces combattantes sur l’ennemi ne se mesurent aucunement à l’aune du nombre de terroristes tués encore moins des bases détruites mais sur la base de la quiétude véritable retrouvée par nos concitoyens.

Excellence Monsieur le Président, pour éviter les marches à reculons, pensez à allier stratégie de reconquête et stratégie de consolidation des territoires conquis. C’est la seule alternative pour nous faire sortir de ce bourbier, et la seule à même de nous éviter le spectre de l’éternel recommencement.

J’ai foi en l’avenir de notre pays. Même dans ces conditions périlleuses nous ne devrons pas perdre espoir.

En espérant que je serai lu et que mes recommandations seront prises en compte pour le bonheur de nos concitoyens, je vous traduis, Excellence Monsieur le Président du Faso, toutes mes gratitudes et tous mes vœux de plein succès !

                           Que la Providence veille !

                                                                         DAKUYO Benjamin

                                                                              Professeur certifié de philosophie

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