Wendpagnangdé Hamado Simporé, est militant associatif résidant dans la commune de Ziniaré, région du Plateau Central au Burkina Faso. Citoyen du monde, il consacre une part importante de sa vie au militantisme associatif, en commençant par le scoutisme, les associations de jeunesse telle la CAMOJO, ACTION+, le Mouvement citoyen “D Tenga Nanda” et bien d’autres, il est l’actuel président du Réseau Zoodo Action et Solidarité (RéZAS). Au retour du Forum Social Mondial (FSM) tenu à Mexico, il s’est prêté à notre micro pour un tour d’horizon de l’actualité internationale et nationale.Il a surtout évoqué la question sécuritaire et la gouvernance du MPSR
Lisez plutôt!
Yirimedia(YM): C’est depuis 2017 que les populations de la région du Plateau Central entendent parler de votre structure, le REZAS(Réseau Action Zoodo) , à travers les nombreuses grandes actions.Aujourd’hui comment se porte le REZAS?
Wenpagnangdé Simporé(W.S):
Le Réseau Zoodo Action et solidarité se porte très bien.Initialement créé avec une adhesion de soixante membres, nous sommes à quatre vingt associations membres aujourd’hui. Le REZAS, c’est aussi l’expansion du festival des solidarités à travers les régions du centre-ouest, des cascades,du centre et bien evidemment au Plateau Central.Le REZAS, c’est aussi des projets, il s’agit notamment du projet mutuallisé avec la maison des droits de l’homme en France sur le renforcement des capacités de nos membres sur la recherche de financement. Il y a aussi les rendez-vous internationaux tels que les rencontres internationales des acteurs, le forum de l’économie solidaire en Côte d’Ivoire,le festival Sapir en Italie.
Y.M: Ces derniers mois, on a constaté que vous aviez bougé beaucoup, est-ce que on peut en savoir sur l’objet de cette tournée longue européenne?
W.S: Il faut savoir que la tournée n’était pas seulement focalisée sur l’Europe, c’était aussi l’Amérique latine. Dans le mois de mai il y a eu au Mexique le forum social mondial qui est un rendez-vous de la société civile du monde entier sensible à la cause altermondialiste. C’est un évènement mondial qui se présente comme une alternative sociale au forum économique mondial. Et le forum se tient à chaque année au mois de janvier en Suisse. Le forum social est aussi caractérisé par l’opposition l’ordre néolibéral actuel qui s’exprime par la mondialisation. C’est aussi l’ouverture à tous les courants idéologiques qui proposent des projets, et des approches alternatives pour un monde meilleur. Mais c’est aussi l’absence d’aucun parti politique parce que le forum ne veut se soumettre à aucune influence politique.
Y.M: Vous aviez parlé d’approches pour changer les choses dans le monde, donc vous altermondialistes,vous en tant que participants du Sud à ce forum qu’est ce que vous aviez proposé pour que la situation alimentaire et sécuritaire que vit le sahel puisse avoir le regard bienveillant du reste du monde entier ?
W.S: Vous voyez le forum social mondial, ce sont de centaines, même plus d’organisations. Donc ça fait autant de thématiques à aborder. Nous, nous avons fait le choix de prendre part aux cadres d’échange qui font les échos à l’Afrique. Je dois préciser que nous (REZAS) avons été invités par le CRID (centre de recherche et d’information pour le développement), notre partenaire en France avec qui nous avions co-animé un atelier sur l’internationalisme des solidarités. Il était question pour nous de voir, quels sont les limites et enjeux de la solidarité internationale. Et aussi de voir comment mener des luttes contre des systèmes qui détiennent eux-mêmes les fils de la coopération entre les peuples. Nous sommes dans une situation sécuritaire très très difficile avec une situation humanitaire catastrophique malheureusement, nous n’avions pas eu l’attention de la communauté internationale comme il le fallait. La communauté internationale n’a pas pu disponibiliser toutes les ressources qu’il fallait pour permettre au G5 Sahel de fonctionner. Or on a vu en Ukraine quand la guerre a commencé, on a vu toute la mobilisation de la communauté internationale autour de l’Ukraine. Mais ce qu’ils ont oublié est que le terrorisme que nous vivons est la conséquence de l’intervention de la communauté internationale en Lybie. Donc forcément, il y aura des mouvements de populations vers l’Europe en traversant la Méditerranée. Toutes ces questions ont été débattues à l’occasion du forum mondial. Pour dire à nos camarades militants de toutes les contrées d’avoir un regard à l’endroit de l’Afrique de l’Ouest.
Y.M: Quelles explications vous donnez justement à cette absence de solidarité de la communauté internationale à l’endroit de l’Afrique?
W.S: Ce qui se passe aujourd’hui est un héritage de la colonisation. Cela consiste à dire que ces zones (Pays africains) du monde ne sont pas prioritaires à ce qui se passent à notre porte(Europe,NDLR).Vous voyez, ce qui se passe en Afrique aujourd’hui au regard de la nature des conflits en Europe n’est pas prioritaire par rapport à cette guerre qui se présente au coeur de l’Europe. Les pays du tiers monde comme toujours n’ont jamais été la priorité de l’agenda de la communauté internationale. Il nous appartient donc en tant qu’africains mais aussi en collaboration avec les peuples d’ailleurs de mettre en exergue des initiatives alternatives.
Y.M: Au Burkina beaucoup d’OSC font appel à la Russie pour mettre fin à l’hydre terroriste mais visiblement le pouvoir en place ne voit pas les choses de cette manière, quelle est votre lecture par rapport à l’appel à la coopération avec ces différents pays ?
W.S: Nous sommes du principe qu’il ne faut même pas une force étrangère sur le sol burkinabe. Pas d’armée française, pas d’armée russe. Aucun pays ne peut confier sa sécurité à un autre et s’en sortir durablement, la solution sera toujours ponctuelle. La meilleure sécurité dont nous pouvons nous garantir, c’est celle que nous définissons nous même les tenants et les aboutissants. Que les autorités actuelles ne travaillent pas à faire intervenir des forces étrangères parce que le peuple burkinabé est un peuple courageux et nous avons les hommes qu’il faut pour mener le combat. Maintenant il faut voir au niveau du management des hommes. Il faut aussi mettre le peuple en confiance à travers une gouvernance vertueuse, parce qu’on a ce sentiment que certaines populations pensent qu’elles n’appartiennent même plus à ce Burkina. Ils sont des citoyens de n’importe quelle localité? je ne sais pas, mais ils ne pensent plus burkinabé, ils pensent communauté donc quand nous rentrons dans ça, c’est un peu compliqué.
Y.M: Pour les cinq mois de pouvoir passés par le MPSR ,quelle est votre lecture sur le plan de la gouvernance si on sait que ces militaires étaient beaucoup attendus sur la question de la lutte contre l’insécurité?
W.S: Nous dénonçons cette gouvernance du MPSR. Je ne pense pas que la situation actuelle soit meilleure que celle d’avant le 24 janvier 2021. Depuis l’avènement du MPSR , combien de localités avons-nous gagnées, combien de populations ont rejoint leurs villages? C’est ça la question. Jusque là MPSR n’a pas d’indicateur qui montre qu’il est à mesure de résoudre le problème de la sécurité. Jusque-là , nous voyons des hommes de tenue qui sont tellement accrochés au pouvoir. Je vois des hommes de palais je ne vois pas des hommes de terrain. L’élite au niveau de l’armée nous fait penser qu’elle est plus intéressé à la gestion de la chose politique qu’à la situation de terrain. Regardez, nous sommes près de deux millions de déplacés, à plus de 3000 établissements fermés. Il y a la saison pluvieuse qui s’annonce. Comment on gère cette situation humanitaire ? difficile de répondre.
Y.M: Nous tirons vers la fin de l’entretien, est ce que vous pouvez nous dire les grands projets, les actions que le REZAS envisage réaliser ?
W.S: Nous avons d’abord le festival de solidarité que nous travaillons à pérenniser dont la sixième édition va se tenir en novembre prochain. Nous avons aussi un projet en cours qui est le “Faso energie creative” qui est en collaboration avec la maison de droits de l’homme mais aussi avec l’appui technique du pôle ressource du programme de coopération décentralisée de la nouvelle Aquitaine au Plateau Central qui nous a permis d’élaborer un guide pédagogique qui sera utilisé par les associations membres du REZAS. Nous sommes en train de finaliser notre plan d’action en vue de son adoption à la prochaine assemblée générale au mois de juillet prochain. Donc voilà un peu les trois grands chantiers qui nous préoccupe actuellement
Y.M: Avez-vous un message particulier à lancer à l’endroit des burkinabè ?
W.S: Mon message s’adresse aux organisations de la société civile. Aujourd’hui dans certains milieux, il n’est pas plausible de se présenter en tant qu’acteur de la société civile. Nous avons un rôle très important à jouer et notre engagement doit être sincère. Il ne doit pas tenir compte des sensibilités politiques. Nous devons jouer notre rôle d’interpellation, de dénonciation.
C’est aussi un appel à l’endroit de nos leaders religieux et coutumiers. Nous avons beaucoup prié mais à côté de la prière, il faut qu’on soit dans l’action. C’est de mener des actions de déconstruction du discours djihadiste. C’est à ce prix que nous allons pouvoir remporter la guerre parce que c’est une guerre de tous les Burkinabé. Sinon nous laissons cette guerre aux mains de l’armée seule, elle ne va pas y arriver.
Entretien réalisé par le citoyen