Tensions communautaires au Burkina : « La haine et la rancune n’ont jamais affranchi une Nation » Cheick Amidou Ganame

Cheick Amidou GANAME est une figure qui compte dans le monde musulman aux cascades(Burkina-Faso). Natif du Yatenga, il est aujourd’hui installé à Ouangolodougou (commune de Niangologo) dans les Cascades où il est arrivé à se positionner comme l’une des personnalités influentes de la zone. Cela après avoir séjourné dans plusieurs pays de la sous-région comme Ségou et Nioro au Mali, Saoudani et Nouakchott en terre mauritanienne, au Maroc et  mais aussi en Algérie à la recherche du savoir. C’est un maître coranique qui force aujourd’hui l’admiration. Nous avons été à la rencontre du guide religieux à son domicile le 04 décembre dernier à Ouangolodougou.

Le cheick se prononce entre autre sur de la perte des valeurs sociales, sur la cohésion sociale, la paix et l’instruision des coutumier et religieux dans les affaires politiques

 

 

Yirimédia : Bonjour Cheick, déjà pour commencer, pouvez-vous nous dire pourquoi ce choix de résider loin des grandes villes surtout que nous savons qu’il est dit que les moyens ne vous font pas défaut ?

Cheick :  Mon choix de résider au village est inspiré de la foi. Comme vous le savez, en ville vu le poids de ma charge (les personnes à supporter : NDLR), il me sera très difficile de subvenir aux besoins essentiels : la nourriture ; les différentes d’eau, d’électricité. Sans être tenté d’escroquer les fils d’Adam qui me consultent.

Yirimédia : Parlant justement de poids, combien de personnes avez-vous sous votre charge directe ?

Cheick : Il y a plus de 2400 personnes de tout âge sous ma charge directe.

Yirimédia : Que faites-vous pour assurer leur prise en charge ?

Cheick : je cultive et je pratique aussi l’élevage

Yirimédia : On se dit qu’avec votre notoriété et au regard des charges que vous aviez, certainement vous bénéficiez de soutiens ?

Cheick : Je n’ai pas de contact avec les autorités ou d’ONG particulière. Donc, je n’ai aucune aide venant de tierce personne.

Yirimédia : Y a-t-il des œuvre(s) de charité réalisée(s) dans la zone à votre compte ?

Cheick : J’ai fait construire une école ‘’ franco-arabe’’ de quatre salles de classe, un forage et un château d’eau au bénéfice de la population.

Yirimédia : On assiste à des tensions communautaires dans certaines parties du Burkina, qui mettent à mal la cohésion sociale.

Comment vivent les populations ici en ces temps de crises sociales dans le pays ?

Cheick : les populations vivent en parfaite harmonie ; elles s’entraident. Elles s’entendent et voient à la télévision tout ce qui se passe dans certaines parties du pays en lien avec la situation sécuritaire. Mais par la grâce de Dieu l’idée de voir l’autre comme un paria ou le blâmable ne fleure pas dans notre esprit.

Yirimédia : Quel message donc donnez-vous pour la cohésion sociale dans notre pays ?

Cheick : Pour la cohésion sociale, le message que nous donnons a toujours été le même. La haine et la rancune n’ont jamais affranchi un homme encore moins une Nation. L’amour du prochain, le respect de l’autre, le pardon, doivent intéresser tout homme qui s’aime, et qui cherche son propre bonheur. Nous sommes tous issus d’une même descendance, nous avons la même origine. Donc vivre ensemble, s’aimer m doit être un impératif.

Yirimédia : Quel rôle doivent jouer les autorités coutumières et religieuses dans la consolidation de cette cohésion sociale ?

Cheick : La situation que traverse le pays est loin d’arranger les filles et fils du pays dont nous faisons partie. En ces périodes difficiles, le rôle des religieux doit être celui de guider, d’orienter les populations dans le sens de la cohésion sociale : la tolérance, l’entraide afin de bâtir une nation sans discrimination et où il fera bon vivre et où la paix règnera.

Yirimédia Certains tenants du pouvoir religieux ou coutumier, s’engagent aujourd’hui dans des partis politiques. Une certaine opinion ne voit pas d’un bon œil l’enrôlement de ces derniers dans les partis pour faire la politique active. Vous, quelle est vous votre lecture de cette question ?

Cheick : Oui. Ils peuvent intervenir, mais pas pour carrière là-dedans cela doit se faire de façon circonstancielle. S’il y a un problème qui demande l’intervention de l’autorité religieuse ou coutumière, elle doit intervenir pour résoudre le problème sans perdre à l’esprit son rôle et son statut premier dans la société. Cependant s’il y a de situations qui nécessitent clairement l’intervention du religieux ou du coutumier, ils doivent rester à leurs places et jouer les rôles qui sont les leurs pour apporter la solution. À titre illustratif, l’intrusion du Moogo Naba Saaga dans les affaires politiques a été d’une grande utilité pour la reconstitution du pays à un moment donné de notre histoire, donc ça été nécessaire. Je me résume en disant que lorsque c’est nécessaire, ils ne doivent pas hésiter.

 

Yirimédia : Notre dernière question est liée à l’éducation, où beaucoup trouvent qu’il y a un relâchement des valeurs de nos jours.

Votre lecture de cette éducation donnée, et quelles en sont les causes ?

Cheick : L’éducation au Burkina Faso souffre,elle est malade, car elle est fixée sur des valeurs qui sont malheureusement totalement opposées aux nôtres. Lorsque le père n’a plus le droit de porter main sur son enfant, lorsque l’épanouissement de l’enfant n’est plus l’affaire de la communauté, c’est la dérive. Pour palier cela, il va falloir éduquer nos enfants en leur inculquant nos valeurs intrinsèques, nos vertus cardinales.

Yirimédia : merci d’avoir répondu à nos questions.

Cheick : C’est à moi de vous remercier pour avoir effectué le déplacement jusqu’ici.

 Entretien réalisé par Boureima SAWADOGO /correspondant Comoé

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